Le 31 décembre 2022, le pape émérite Benoît XVI est parti, discrètement, rejoindre la maison du Père. Désigné Pape à la suite du décès de Saint Jean-Paul II, Benoît XVI, 265ème pape de l’Église catholique, a inscrit son action dans la continuité de son prédécesseur, tout en prenant des décisions très courageuses sur certains scandales qui ont entaché la vie de l’Église catholique.
Professeur allemand des Universités en théologie en Bavière, il est nommé, en 1977, par le pape Paul VI archevêque de Munich et de Freising (1977-1982). En 1981, Jean-Paul II lui confie la charge de Préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, fonction qui contribuera à asseoir sa réputation de Cardinal conservateur et fermé sur les évolutions de la théologie et les sujets de société. Doyen du Collège des Cardinaux de 2002 à 2005, le 19 avril 2005, il est élu pape à 78 ans.
Je souhaiterais retenir trois traits principaux du Pape Benoît XVI : il fut un grand théologien, un homme audacieux au conservatisme ouvert et un défenseur des valeurs chrétiennes et spirituelles de l’Europe.
Homme de paix et de raison, Benoît XVI doit être vu, selon le philosophe catholique de l’Académie française, Jean-Luc Marion, dans un texte paru le 1er janvier 2023 dans l’hebdomadaire L’Express (Jean-Luc Marion, « La raison du théologien », consulté le 9 janvier 2023), comme « l’un des plus grands théologiens catholiques de son temps », « à l’égal de Barth, Balthasar et Lubac ». On retiendra en particulier son Jésus de Nazareth[1], ainsi que l’encyclique Deux Caritas est : « si Dieu se révèle comme amour, le connaître revient à l’aimer » (Jean-Luc Marion).
Bien que cet aspect fut souvent mis en avant, notamment dans les réactions consécutives à son décès, Benoît XVI ne restera pas seulement dans l’histoire comme un éminent théologien, mais également comme le pape de la « renonciation », renonciation qu’il annonça un certain 11 février 2013. Comme tous les évènements importants, on se souvient parfaitement du moment et du lieu où l’on en apprend la nouvelle. Pour ma part, je l’appris dans le bureau des professeurs de l’Institut du droit des affaires internationales de l’Université du Caire en Égypte en présence de l’équipe de direction. Je dois avouer que j’éprouvais alors le besoin de m’asseoir et de relire en la méditant la dépêche annonçant la renonciation papale. Tous les catholiques dans le monde, je crois, ont été frappés de stupeur et de surprise à l’annonce de cette nouvelle. Geste d’humilité et de faillibilité, en ce sens que cette « démission » se révèle un acte libre, un acte de souveraineté, non imposé de l’extérieur, et pris principalement pour des raisons liées à l’âge et la vieillesse, ce geste, apparaît toutefois d’une force et d’une signification incroyables de la part d’un pape très souvent décrit comme un simple conservateur.
Très soucieux de la déchristianisation du continent européen, le pape émérite a des mots très émouvants dans son Testament spirituel rendu public, le 31 décembre 2022, par le bureau de presse du Saint-Siège : « Je prie pour cela, pour que notre pays reste une terre de foi et vous prie : chers compatriotes, ne vous laissez pas détourner de la foi ». Face aux idéologies contemporaines et aux dérives de certaines théologies, Benoît XVI affirme que « la raison de la foi a émergé et émerge à nouveau. Jésus-Christ est vraiment le chemin, la vérité et la vie – et l’Église, dans toutes ses imperfections, est vraiment son corps ». Tout au long de son pontificat, Benoît XVI n’a cessé d’inviter l’Europe à ne pas rompre avec son héritage moral, chrétien et spirituel. Or, malheureusement, nombreux sont les signaux de cette déspiritualisation et cette déchristianisation du projet européen en faveur d’un matérialisme et d’une volonté de certaines « élites » européennes de rompre avec ce passé si riche de sens et de valeurs. C’est, en effet, en assumant ses racines que l’Europe pourra rassembler et accueillir d’autres héritages.
Rose Allford
Professeur des Universités en Droit public à la Faculté de droit de l’Université Paris Descartes et à Sciences po (Paris). Chargé de cours à l’ENA (Ecole nationale d’administration) et à l’ENM (Ecole nationale de la magistrature)